Intersexuation : « On sent que les lignes sont en train de bouger »

Interview réalisée par Annabelle Duaut

En décembre dernier, Laïcité Brabant wallon a présenté la pièce « Les variations silencieuses » à l’Espace Columban (Wavre). Une pièce « ovni » qui parle d’intersexuation et d’autodétermination (voir résumé ci-dessous). Rencontre avec Geneviève Voisin, une des deux comédiennes de la compagnie qui interprète dans un seul-en-scène haletant une kyrielle de personnages tous plus farfelus les uns que les autres.

  • Pourquoi avoir décidé d’aborder le sujet des personnes intersexes ?

L’idée m’est venue dans ma vie de tous les jours, en discutant avec ma belle-sœur qui est directrice de recherche au CNRS à Paris. Je me suis rendu compte que l’intersexuation touchait 1,7% de la population. Je me suis alors fait la réflexion que j’avais sans doute déjà croisé des tas de personnes qui était dans cette situation sans que je le sache ou qu’on me le dise. J’ai aussi découvert que cela représentait un véritable tabou et j’ai voulu comprendre pourquoi.

  • Comment avez-vous fait pour récolter des témoignages de personnes intersexes que l’on entend tout au long du spectacle?

Je me suis formée auprès de l’association « Genres pluriels » pour savoir comment mener des entretiens avec des personnes intersexes car le sujet est très complexe et mêle à la fois de la biologie, de la sociologie… Une fois que je sentais que je maîtrisais suffisamment le sujet, j’ai réalisé un appel à témoignages afin de pouvoir alimenter et écrire la pièce.

En parallèle, j’ai aussi rencontré Claudine Heinrichs qui est endocrinologue à l’Huderf (Hôpital Universitaire Des Enfants Reine Fabiola) où elle opère notamment des enfants nés intersexes. Elle a été très touchée par les témoignages qu’on entend pendant la pièce car c’était la première fois qu’elle prenait connaissance du ressenti d’adultes nés intersexes et opérés à la naissance.

Enfin, je me suis formée pendant près de deux ans sur le sujet, à travers des lectures, des colloques notamment organisés à Paris. Ce parcours de formation a également permis de nourrir le spectacle car énormément de notions étaient nouvelles pour moi.

  • Comment le public tous azimuts (scolaire, tout public, personnes intersexes) reçoit le spectacle ? Quels échos avez-vous pu recevoir suite à une représentation scolaire ou tout public ?

Cela dépend évidemment de qui l’on parle. Nous avons travaillé avec des personnes concernées par le sujet qui ont aussi participé à la relecture. Nous avons organisé une série de représentations en partenariat avec des associations (CAL, Maisons Arc-en-ciel, LGBTQIA+) pour continuer à avoir des retours sur le spectacle qui a suscité notamment l’adhésion des personnes militantes car presque rien n’existait à l’époque sur le sujet.

Il y a une bonne dizaine d’années, il y a eu une forte médiatisation autour des Lesbiennes – Gays – Bisexuels. Il y a quelques années, on a beaucoup parlé des personnes transgenres (NDLR le « T » de LGBTQIA+). Actuellement, je pense que l’heure est au « I » (NDLR renvoyant à intersexes dans l’acronyme LGBTQIA+). Notre pièce arrive donc au bon moment. On sent que les lignes commencent à bouger, que le public est prêt à entendre parler de ce sujet. On est face au même processus que pour le passé colonial dont on a parlé dans « Colonial(o)scopie ». Vingt ans en arrière cela aurait été impossible.

C’est important pour nous de tourner dans les écoles. On sent que les jeunes d’aujourd’hui sont au courant de la cause LGBTQIA+. Mais le sujet de l’intersexuation touche à l’intime et peut être gênant. On joue aussi très souvent face à des adultes avec un profil humaniste et progressiste. Le sujet fait l’unanimité et ça ne viendrait à personne l’idée de défendre des opérations chirurgicales réalisées sur des tout-petits dans le but de les rendre biologiquement « mâle » ou « femelle ».

 

Le propos

C’est l’histoire d’une famille plutôt dans la norme (en apparence tout du moins). Le jour où Gaëlle fête ses douze ans, ses parents, Xavier et Yvette, ont convié ce qui leur reste de famille – une sœur pansexuelle et militante LGBTQIA+, un oncle érudit et alcoolique, un frère macho et réactionnaire, une sœur bigote et botaniste – pour ce qu’ils croient être une fête d’anniversaire. Mais ce qu’ont préparé les parents de Gaëlle se révèle tout autre. Il va falloir que tout le monde s’accroche à sa chaise car rien ne sera plus jamais comme avant. Les révélations fusent, les masques tombent, les vernis s’écaillent. Et à chacun.e, il sera demandé, au final, de trancher (c’est le cas de le dire) dans le vif du sujet.

 

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