Étudiants, travailleurs ? Deux statuts, une précarité.

Pour ce dernier CALepin sur le thème des jeunes et du travail, nous avons laissé carte blanche à la Fédération des Étudiants francophones, plus grande organisation de représentation étudiante de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Dans une société en dépression, entre crises économiques et de l’emploi, crise politique et de l’acceptation de l’autre, l’enseignement supérieur est malheureusement l’un des derniers lieux porteurs d’espoir : un espoir de promotion sociale, mais surtout d’épanouissement personnel. Cet espoir, aujourd’hui, a un coût pour la société, mais surtout un coût pour l’étudiant. Pour espérer participer à cet enseignement, l’étudiant doit s’acquitter de frais d’inscription allant jusqu’à 835€ par an, comme des achats de matériel, entre ouvrages de référence et productions parfois onéreuses. À ces frais sans alternatives, il faut rajouter le logement, les transports, la nourriture et autres conséquences d’un enseignement de plus en plus centralisé. De ce fait, les étudiants et leurs parents n’arrivent plus à payer les 8.000 à 12.000€ que leur nécessitent chaque année les études supérieures. Quelques marqueurs clefs en attestent :  le nombre d’étudiants émargeant au CPAS a été multiplié par 7 entre 2002 et 2016, et le nombre de demandes de bourse a quant à lui augmenté de 21% en 6 ans. La précarité est bel et bien là.

L’une des voies souvent empruntées par les étudiants soucieux de poursuivre un cursus dans l’enseignement supérieur réside dans le monde du travail, sous le statut de travailleur-étudiant. Ce statut porte bien son nom puisqu’il porte préjudice deux fois à ses détenteurs : en tant que travailleurs et en tant qu’étudiants.

Tout d’abord, le salaire minimum pour un étudiant de 18 ans débutant ses études est à peine supérieur au seuil de pauvreté. Un étudiant travaillant à temps plein et payé au salaire minimum ferait donc partie des 10% de la population des travailleurs les moins rémunérés. Pour cette raison, plus de 15% des jobistes doivent, en plus de leurs heures de cours et de travail, faire les démarches administratives pour obtenir une aide du CPAS ou de leur établissement d’enseignement supérieur.

Ensuite, l’étudiant n’a pas nécessairement la possibilité de choisir le job qu’il souhaiterait. Ses besoins économiques le contraignant au travail, il sera susceptible d’accepter des jobs aux conditions de travail de qualité moindre. Le jobiste est alors le candidat idéal pour remplir des temps partiels ingrats, ou pour sombrer dans l’illégalité d’heures de travail non déclarées. Par ailleurs, ces fonctions peu valorisées et aux conditions difficiles peuvent entrainer une baisse profonde de l’estime de soi, voire une exclusion sociale.

Ce travail, déjà difficile et peu mis en valeur, est aussi source d’instabilité. Effectivement, une enquête réalisée par la FEF démontre qu’un tiers des étudiants reçoit son horaire de travail moins d’une semaine à l’avance, ce qui en fait, certes, de bons outils pour adapter la distribution du travail, mais qui rend difficile la poursuite d’une vie sociale épanouie. De plus, si le travailleur-étudiant doit souvent s’adapter à ses horaires de travail imprévisibles, ses activités d’apprentissage ne s’adaptent, elles, pas. Ce qui peut mettre en danger la réussite.

Face à de tels constats à propos du travail étudiant, deuxième source de revenus la plus fréquente pour les étudiants, il faut agir. Agir sur les conditions de travail et les droits sociaux des étudiants serait une première partie nécessaire d’une réponse plus complète, mais une telle réponse, en plus d’être complexe à mettre en place, ne résoudrait pas fondamentalement le problème. Agir à la source contre la précarité générée par la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur pourrait se révéler plus simple et efficace. En effet, deux types importants de coûts engendrés par les études sont aujourd’hui abolissables. Il ne manque que la volonté politique pour en voir la réalisation.

Le premier est le minerval, et plus largement l’ensemble des frais d’inscription supportés par l’étudiant. Ces frais représentent une barrière économique à l’accès à l’enseignement supérieur et sont, pour beaucoup d’étudiants et de familles, des poids budgétaires difficiles à surmonter. Ces frais, qui s’élèvent entre 175 et 835€ (voire plus de 1.000€ dans certaines filières), sont la participation des étudiants au financement de l’enseignement supérieur, alors que celui-ci devrait être, comme n’importe quel service public, financé par la collectivité.

Le second concerne le matériel de cours. En effet, une fois inscrit, l’étudiant est contraint de se procurer du matériel, qu’il s’agisse de syllabus et livres onéreuses, ou du matériel pour des travaux pratiques. Certes, pour l’ensemble de ces coûts, il est possible de modérer les dépenses et d’acheter en seconde main ; mais l’édition plus récente d’un ouvrage, par exemple, sera plus adaptée à l’actualité. Ces coûts sont également des sources de difficultés financières, mais également de discriminations entre les différents cursus, car ceux-ci demandent des frais fortement différents.

La Fédération des Étudiants Francophones demande que ces coûts principaux soient pris en charge par une Communauté française correctement financée par un impôt juste et collectif. Ces dépenses sont source d’inégalités et nuisent gravement aux étudiants, tandis que les alternatives actuelles, comme les bourses d’études, ne sont pas suffisantes pour assurer l’accessibilité de l’enseignement supérieur. La mise en place progressive de la gratuité de l’enseignement est par ailleurs prévue par un Pacte international signé par la Belgique en 1966, traduit en décret par le Conseil de la Communauté française. En plus de 50 ans, cet objectif n’a pas été atteint. En plus de cinquante ans, la population étudiante s’est de plus en plus précarisée.

Pourtant, avec un changement de politique radical, une autre situation est possible. Il ne reste donc plus qu’à se mobiliser pour faire advenir de meilleurs lendemains pour les étudiants. La FEF se mobilise et se mobilisera encore le 4 avril 2019 à Bruxelles. Et vous ?

 

Pour en savoir plus sur le travail mené par ce syndicat étudiant, cliquez ici.

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