Le 9 septembre dernier, nous avons marché. Marcher, c’est à la mode en ce moment : marche pour le climat, marche contre l’extrême droite, manifestation de soutien aux réfugiés, et j’en passe. Le 9 septembre, dans les rues de Bruxelles, nous étions nombreux : hommes, femmes, médecins, avocats, « servantes écarlates » et autres sorcières. Ensemble nous avons crié, nous avons chanté, nous avons dansé. Ensemble, nous avons formé une caravane de plusieurs centaines de mètres de long.
La « Caravane des femmes », l’idée est née durant l’été. La raison ? Un jeu politique entre l’opposition et une alliance formée par la majorité et le CdH. La première proposant un projet de loi avec une réelle sortie de l’IVG du Code pénal ainsi qu’un élargissement des conditions d’accès à l’avortement, la deuxième se prononçant en faveur d’un projet de loi qui sortait l’avortement du Code pénal, mais qui conservait des sanctions pénales tant pour les médecins qui pratiquent une interruption volontaire de grossesse que pour les femmes qui en bénéficieraient hors du cadre légal.
Les mois précédents, la commission « justice » de la chambre a fait défiler un panel d’une vingtaine d’experts parmi lesquels une grosse majorité (16 experts sur 20) s’est prononcée en faveur de la sortie de l’interruption volontaire de grossesse du Code pénal, soulignant l’amélioration considérable que cela amènerait tant pour les femmes que pour les praticiens. Sur les 4 experts restants, 2 se sont prononcés contre et 2 ne se sont pas exprimés sur la question.
Le cortège du 9 septembre se voulait festif, coloré, réclamant des mesures progressistes d’un point de vue médical, mais surtout d’un point de vue symbolique : exprimer à travers cette loi que les femmes font bel et bien ce qu’elles veulent de leur corps. Partagé par les hommes, femmes présentes, « IVG : le droit de décider » sonnait alors dans les rues de la capitale comme un acquis, comme quelque chose de tout à fait normal.
Mais cette fête fut gâchée quelques jours plus tard lors du vote tant attendu en séance plénière de la Chambre : le texte de la majorité est passé et a été directement attaqué comme un leurre par l’opposition et les associations du secteur. Mais que dit ce texte de loi ? Il est bon de noter que la loi alors en vigueur depuis 1990 (Lallemand – Michielsen) dépénalisait déjà l’IVG pour toute femme reconnue en « état de détresse » par un médecin, et ce dans un délai maximal de 12 semaines de grossesse. Le nouveau texte quant à lui :
- Supprime cette notion d’« état de détresse ».
- Conserve les différents délais : 6 jours de réflexion et délai maximal de 12 semaines de grossesse pour pratiquer un avortement.
- Les médecins qui refuseraient de pratiquer une IVG seraient obligés de renvoyer la patiente vers un médecin pratiquant celle-ci.
- Toutes les IVG réalisées hors respect des conditions ci-dessus seront punies dans les conditions de l’ancienne loi pénale (amendes et/ou peines de prison).
Malgré le fait que cette loi sorte l’avortement du chapitre « crime contre l’ordre des familles et la moralité publique », nous déplorons fortement que cette dépénalisation de l’avortement soit partielle et ne légalise pas celui-ci de manière effective. Le temps est désormais à l’apaisement, mais nous préparons d’ores et déjà nos réclamations futures afin de permettre à toute femme un accès clair à l’interruption volontaire de grossesse… Sans aucun risque de finir en prison.
Alexis Etienne