La fin de vie en Belgique

Nathalie Dewaelheyns & Béatrice Touaux

2022 a été l’année anniversaire des 20 ans de la loi relative à l’euthanasie adoptée le 28 mai 2002. Cette loi que certain·es nous envient – nos rencontres avec nos voisin·es français·es nous confortent à chaque instant sur la nécessité d’un tel projet – est due entre autre au travail mené par l’Association du Droit de Mourir dans la Dignité, l’ADMD[1]. Cette association portée par Jacqueline Herremans est pour nous tous·tes un exemple du travail de terrain formidable. En 2022, quelques articles ont été amendés mais pour la laïcité organisée il y a encore quelques avancées à obtenir. Voici, mis en lumière, quelques points de cette nouvelle loi.

Les changements

L’article[2] 4 de la loi du 28 mai 2002 spécifiait : « La déclaration ne peut être prise en compte que si elle a été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l’impossibilité de manifester sa volonté ». La loi de 2020 a abandonné ce délai pour nous offrir la validité illimitée de la déclaration anticipée d’euthanasie (DAE). A partir de 2020, toutes les DAE enregistrées ne seront plus soumises à une demande de renouvellement au bout de 5 ans. A l’inverse, si une personne change d’avis, elle devra faire le nécessaire pour annuler cette DAE.

Bon nombre de nos concitoyen·nes se trouvaient parfois esseulé·es face à certaines institutions ou médecins opposé·es à l’euthanasie qui ne proposaient pas un autre moyen pour obtenir gain de cause. Pour éviter ces déboires dans des moments de grande vulnérabilité, la loi de 2020 a prévu deux garde-fous. Le premier concerne les institutions, avec l’ajout, à l’article 14, de la phrase suivante : « Aucune clause écrite ou non écrite ne peut empêcher un médecin de pratiquer une euthanasie dans les conditions légales : … ». Pour le·la médecin iel-même, nous retrouvons « Si le·la médecin consulté·e refuse, sur la base de sa liberté de conscience, de pratiquer une euthanasie, iel est tenu d’en informer en temps utile et au plus tard dans les sept jours de la première formulation de la demande le·la patient·e ou la personne de confiance éventuelle en en précisant les raisons et en renvoyant le·la patient·e ou la personne de confiance vers un autre médecin désigné par le·la patient·e ou par la personne de confiance. Si le·la médecin consulté·e refuse de pratiquer une euthanasie pour une raison médicale, iel est tenu d’en informer en temps utile le·la patient·e ou la personne de confiance, en en précisant les raisons. Dans ce cas, cette raison médicale est consignée dans le dossier médical du patient. » Un autre point a été remplacé par : « Le·la médecin qui refuse de donner suite à une requête d’euthanasie est tenu·e, dans tous les cas, de transmettre au·à la patient·e ou à la personne de confiance les coordonnées d’un centre ou d’une association spécialisé en matière de droit à l’euthanasie et, à la demande du·de la patient·e ou de la personne Société de confiance, de communiquer dans les quatre jours de cette demande le dossier médical du·de la patient·e au médecin désigné par le·la patient·e ou par la personne de confiance. »

Voilà quelques points qui font avancer cette loi mais pour le Centre d’Action Laïque[3], il est possible d’aller plus loin.

Le Centre d’Action Laïque, de Mens.nu et l’ADMD souhaitent trouver une solution pour les patient·es atteint·es de troubles cognitifs. Aujourd’hui, si nous complétons une DAE, elle ne pourra pas être appliquée si nous « avons perdu la tête » sauf si nous tombons dans un coma dépassé. Pour bénéficier de l’euthanasie il faut être atteint·e d’une affection grave et incurable et en faire la demande répétée (avec l’aide éventuelle de sa personne de confiance) en étant encore conscient·e de la situation.

En Belgique il y a plus de 200 000 personnes atteintes de démence évolutive dont pratiquement les trois quarts sont touchés par la maladie d’Alzheimer. Beaucoup craignent qu’en l’état actuel de la loi, iels soient obligé·es de demander l’euthanasie avant d’avoir perdu irrémédiablement toute lucidité. Ce fut le cas d’Hugo Claus en 2008 qui souffrant de la maladie d’Alzheimer a dû demander l’euthanasie tant qu’il possédait encore toutes ces capacités intellectuelles.

Mais que faire si malgré le fait que nous ayons rédigé une DAE, nous sommes, plus rapidement que prévu, dans l’incapacité intellectuelle de demander une euthanasie ? Quel stress de se dire que malgré tout ça on peut souffrir et surtout devenir une charge physique, psychique et financière pour nos proches.

Pour nous, le progrès se trouve un cran plus loin, quand la DAE sera prise en compte à tout moment comme nous l’aurons décidé, c’est à dire par exemple, lorsque nous ne pourrons plus reconnaitre les nôtres, que nous serons totalement dépendant·es d’une machine ou d’une personne, que nous ne pourrons plus nous mouvoir… A chacun·e d’avoir la liberté de définir préalablement ses choix de fin de vie et de les faire respecter, surtout quand il est trop tard pour les exprimer.

Quelques chiffres[4]

En 2021, il y a eu 2699 déclarations d’euthanasie avec une augmentation de 10,4% par rapport à 2020, dans la proportion 75% du côté néerlandophone, donc 25% du côté francophone.

49,2% pour les femmes et 50,8% pour les hommes. 99,4% de ces demandes se sont faites sur base d’une demande écrite actuelle et 0,6% sur base d’une déclaration anticipée. Dans 84,1% des cas le décès est prévu à brève échéance.

02/11 à 20h Toujours dans le cadre de ces 20 ans, venez nombreux·ses à la projection « les mots de la fin » au Ciné4, notre partenaire à Nivelles.

La projection sera suivie d’un échange mené par un médecin et un psychologue de l’asbl Pallium.

réservation : www.cine4.be

Sources

[1] « FAQ ADMD » Bulletin trimestriel n° 160 1er trimestre 2022

[2] https://etaamb.openjustice.be/fr/loi-du-05-mai-2019_n2019030485.html

[3] « Libérons la déclaration anticipée d’euthanasie de son carcan ! » Site CAL 28 mai 2022

[4] Communiqué de presse de la Commission fédérale de Contrôle et d’Évaluation de l’Euthanasie – 31 mars 2022 Euthanasie – Chiffres de l’année 2021

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