Annabelle Duaut
2022 – Tout au long de cette nouvelle année, nous allons explorer les différents visages que peut recouvrir la violence sur les enfants, les jeunes, que ce soit au sein de leurs familles ; entre pairs, dans le cadre de relations amoureuses ; mais aussi lorsqu’ils sont porteurs d’un handicap.
La pandémie que nous vivons encore actuellement – et ce depuis bientôt deux ans – a mis en lumière les différentes formes de violences que peuvent vivre et subir les enfants au sein de leurs familles. Confinements à répétition et promiscuité obligent : les lignes d’écoute téléphonique dédiées aux violences conjugales et intrafamiliales ont été fortement sollicitées ces derniers mois[1], surtout que l’accès aux services d’aide et de soutien s’en est trouvé, lui, réduit. Les maisons d’accueil et maternelles ont, quant à elles, été submergées de demandes dans l’urgence pour accueillir des mamans et leurs bambins. Si l’accueil au pied levé n’a pas toujours pu être mis en place, les acteurs de terrain ont tenté de s’organiser pour trouver des solutions à chaque cas de figure. Près d’une femme sur trois a été/est ou sera concernée au cours de sa vie par les violences conjugales[2]. Si l’on pense de prime abord que les violences conjugales touchent en première ligne les femmes (autrement dit les mères), elles concernent au même titre les jeunes enfants[3], et ce dès le stade de la conception (grossesse). Comment vivent-ils dans leur chair les violences qui se jouent entre leurs parents ? Quels sont les impacts concrets de cette violence sur leur développement, leur bien-être présent et à venir ? Quelles solutions ont ces femmes violentées pour échapper à leur bourreau ? C’est ce que nous allons tenter de voir dans ce nouveau dossier spécial. Le cercle vicieux des violences conjugales Avant de nous pencher plus en avant sur le fléau sociétal que représentent les violences conjugales, il convient de les définir. Dans une relation intime, les violences conjugales sont un « ensemble de comportements, d’actes, d’attitudes de l’un des partenaires ou ex-partenaires qui visent à contrôler et dominer l’autre »[4]. Si les violences physiques sont systématiquement celles auxquelles on pense rapidement de par leur potentiel meurtrier, il ne faut pas négliger l’impact considérable que peuvent avoir les violences verbales (injures, insultes, paroles blessantes) et psychologiques (humilier, dévaloriser, contrôler l’autre, le menacer et l’isoler…) sur la femme elle-même mais aussi les personnes présentes lors de la scène (en particulier les enfants), sans oublier les violences économiques (interdiction d’avoir un compte bancaire personnel, privation de revenus), et sexuelles (viol, insultes-humiliation-brutalisation pendant l’acte sexuel, harcèlement sexuel, abstinence sexuelle pour punir/contrôler l’autre). Autant de formes de violences qui peuvent apparaître au fur et à mesure et s’intensifier dans le temps.
Les violences conjugales sont à distinguer des « simples » disputes de couples. L’ASBL Praxis – qui aide les auteur(e)s de violences conjugales et intrafamiliales et réalise un travail de responsabilisation en groupe – les définit en ces termes : « l’intention est une prise de pouvoir sur l’autre, peu importe ce qui déclenchera le conflit. Cette intention est camouflée, dissimulée. Ce n’est pas une perte de contrôle, au contraire. Ces stratégies de prise de pouvoir sont organisées, récurrentes, cycliques et s’inscrivent dans la durée. » Les conséquences de ces violences sont désastreuses et provoquent impuissance, honte, repli sur soi, humiliation et soumission chez les victimes, sans parler des blessures (ecchymoses, fractures, commotions…) et problèmes de santé chronique (troubles du sommeil, perte d’appétit, maux de dos etc.) qui peuvent conduire jusqu’à la mort. Parce qu’une image vaut mieux qu’un long discours, nous avons repris ici un schéma créé par l’ASBL Praxis pour illustrer le fonctionnement des violences conjugales. La violence conjugale survient par cycles. Ceux-ci se répètent de manière aléatoire selon les couples (deux fois par mois comme deux fois par jour).
De lourdes conséquences pour les enfants Comme nous l’avons indiqué précédemment, les violences conjugales ne sont pas sans effets (négatifs) sur les plus jeunes. Si on les croit bien souvent seulement « témoins » de la scène, ils peuvent en payer le lourd tribut en cumulant des symptômes tels que des risques de blessures, des problèmes affectifs et comportementaux similaires à ceux des enfants battus, un repli sur soi, une faible estime de soi, des symptômes de stress post-traumatique (crainte, irritabilité, cauchemars, explosions de colère, évitement des situations rappelant les actes de violence vécus), de l’agressivité / hyperactivité / des difficultés à se concentrer, des troubles de l’apprentissage scolaire / du décrochage scolaire, des fugues / de la délinquance / des grossesses précoces, de l’isolement / de la dépression / des idées suicidaires, ainsi que le risque de reproduire une fois adultes les comportements des victimes ou des agresseurs. Pour mieux comprendre en quoi les violences conjugales peuvent être destructrices pour les enfants et adolescents, nous nous sommes inspirés d’un schéma publié par l’ONE dans une campagne dédiée au sujet qui se base sur le mode de fonctionnement des violences conjugales. Parce que la mère ne peut pas être (pleinement) disponible pour son enfant lorsque des violences conjugales ont lieu, l’enfant peut lors de ces moments de tensions réagir de différentes manière : être dans l’hypervigilance, se placer en protecteur de la mère (parentification), ne plus distinguer le réel et ce qui ne l’est pas (distorsion cognitive), faire preuve de fatalisme (« A quoi bon ?! »), perdre en empathie, solitude car aucun adulte ne comprend ce qu’il vit et éprouve (mélange de peur et de volonté d’être réconforté par ses parents). Des répercussions aussi sur le cerveau Les conséquences psychologiques des violences conjugales sur le bien-être de l’enfant au quotidien sont indéniables. Ces dernières peuvent aller encore plus loin car les neurosciences ont réussi à prouver qu’elles pouvaient en outre affecter le cerveau. L’imagerie cérébrale montre que le cerveau humain est précâblé pour développer des qualités profondément humaines. A la naissance, chacun nait avec un précâblage mais celui-ci est immature, à l’inverse de celui d’autres mammifères. Chez eux, le cerveau est peu plastique et ils naissent avec une intelligence presque finalisée.
Le développement des potentiels cognitifs et des qualités humaines ou sociales est, lui, conditionné par la qualité de l’environnement dans lequel l’enfant évolue. Ce que nous avons tous à la naissance est donc optimalisé ou non en fonction de l’univers dans lequel l’enfant se développe. Au-delà de la famille, les professionnel·l·e·s de l’accueil sont donc en première ligne. Dès la grossesse, le monde des émotions du bébé est essentiel. Au premier jour de vie, il est capable de percevoir les expressions faciales de ceux qui l’entourent. Il va être attiré par un visage ouvert ou inquiété par un visage fermé. A son premier mois de vie, il reconnaitra la joie, la tristesse, la surprise. A trois mois, l’enfant acquiert une certaine perception vocale et il fait la différence entre des tonalités positives ou négatives. Chaque minute, 200 000 neurones se créent. Toutes existent mais ne sont pas nécessairement connectées via des synapses. Chaque neurone peut avoir entre 5 000 et 10 000 connections. Toutefois, si la création des neurones est quelque chose de linéaire, la création de ces synapses a besoin d’ingrédients inconditionnels tels que : des relations avec les parents ; de la proximité et affection ; un environnement propice ; une alimentation adaptée ; une flore intestinale en bon état ; des expériences sensori-motrices via le jeu et les histoires (impact sur le cortex) ; de la musique (impact sur l’Hippocampe = émotions et apprentissages). « La construction d’un attachement sécure permet de protéger le cerveau des pires effets du stress. Aimer et accompagner son enfant est la meilleure manière de protéger son cerveau. » Tous ces facteurs vont augmenter le nombre possible de synapses et les éléments sensoriels se transforment en éléments de la mémoire relationnelle. A contrario, le stress a un impact négatif conséquent sur ces connexions car il va empêcher leur création. Pendant la croissance, un tri s’opère alors au niveau des synapses. Tout ce qui n’est pas stimulé est considéré par le cerveau de l’enfant comme inutile et est alors déconnecté. Toutes les expériences sensorimotrices ayant lieu avant cinq ans sont essentielles pour le développement de l’enfant puisqu’elles vont modeler son architecture cérébrale. S’il y a des violences conjugales, de la maltraitance, cela impacte directement l’enfant au niveau du développement de son cortex, de son cervelet et de l’ensemble de son cerveau. Au contraire, un attachement sécure va protéger le cerveau de l’enfant du stress. Tous les vécus de peur sont anxiogènes pour l’enfant et impactent aussi son sommeil. Plus un parent est capable de déterminer les états intérieurs de son enfant, plus l’enfant va se sentir en sécurité et être capable de construire une attitude empathique. Le Professeur Maurice Berger (psychiatre pour enfants), a mené une étude auprès d’enfants en milieu psychiatrique. Il montre que les enfants les plus violents ne sont pas ceux qui ont directement reçu des coups mais bien ceux exposés à de la violence conjugale. Les enfants battus, ont une possibilité, même ultra-minime, d’interaction ou d’avoir un geste de recul (le corps est en action). Alors que quand un enfant voit sa mère être violentée, il est seul avec son angoisse, dans une impuissance totale. Des insultes adressées à la mère sont aussi préjudiciables que les gestes violents ou les coups.
La force de l’emprise
De prime abord, nombre de personnes se disent : mais pourquoi ces femmes ne prennent-elles pas leur(s) enfant(s) sous le bras pour quitter leur mari violent ? La réalité est, comme bien souvent, bien plus complexe. Au-delà d’éventuelles raisons sociales ou économiques, les victimes d’hommes violents et manipulateurs sont bien souvent dans une situation d’emprise. Celle-ci correspond à une forme de manipulation mentale qui débouche sur de la dépendance affective. Le but ici est de soumettre l’autre, de le dominer. Comme dans une secte, la personne est alors conditionnée et subit une sorte de « lavage de cerveau ». Dans une relation de ce type, la victime ressent régulièrement de la honte, une culpabilité, des difficultés à s’exprimer, de la peur, une anxiété en présence du partenaire, un sentiment d’injustice et l’impression d’être « fliquée ». En plus de devenir dépendante au niveau affectif de son partenaire, la personne sous emprise perd en liberté, en autonomie, jusqu’à s’isoler ; elle devient méfiante dans ses relations avec les autres ; ne se reconnaît plus (dépersonnalisation) et souffre de dépression pouvant entraîner des idées suicidaires. « Les violences ont un pouvoir de sidération sur la victime. C’est comme une paralysie psychique qui empêche la victime de contrôler ses réactions émotionnelles et qui génère un état de stress extrême. […] Elle est comme spectatrice des événements », incapable de prendre en compte la mesure de ce qu’elle subit et donc d’organiser sa défense, tel un pantin. « L’auteur de violence peut alors mettre en place l’emprise et lui dicter ses émotions, lui imposer des pensées et un rôle dans la mise en scène de leur couple vis-à-vis de l’extérieur », apprend-on dans une brochure spécialisée sur le sujet.
Si reconnaître l’emprise est difficile et peut prendre du temps, il est néanmoins possible de s’en sortir en étant accompagné·e. Admettre la toxicité de la relation à l’autre (phase de désidéalisation) est un premier pas vers la guérison. Une (longue) phase de reconstruction arrivera dans un second temps et devra être réalisée avec un·e professionnnel·le de la santé.
Partir, oui, mais pour aller où ?
En Région wallonne, 57 maisons d’accueil, 14 maisons de vie communautaire et deux maisons de type familial travaillent tout au long de l’année pour venir en aide aux personnes qui ne peuvent temporairement accéder à un logement à usage privatif adéquat ou qui ne peuvent le conserver sur base de leurs propres ressources. Les services d’hébergement travaillent en collaboration avec de nombreux services d’aide aux personnes (CPAS, Agences Immobilières Sociales, Association de Promotion du Logement, Services de Médiation de Dettes, Services de Santé, Services d’Aide à la Jeunesse,…)[6].
Les maisons d’accueil sont des services d’hébergement à moyen terme qui peuvent accueillir au moins dix personnes en difficultés sociales et assurent un hébergement dans une structure dotée d’équipements collectifs ainsi qu’un accompagnement adapté afin de les soutenir dans l’acquisition ou la récupération de leur autonomie. Les maisons de vie communautaire assurent aux personnes ayant séjourné préalablement en maison d’accueil, un hébergement de longue durée ainsi qu’un accompagnement adapté et axé sur l’acquisition ou la récupération de l’autonomie. En plus de la mission principale d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement, les maisons d’accueil peuvent également disposer d’agréments spécifiques pour la réalisation notamment d’accueil des femmes victimes de violences conjugales[7]. Nous nous sommes rendus dans l’une d’elles.
Plongée au cœur de la MAMABW
On l’appelle la MAMABW. Située à Ottignies, la Maison Maternelle est la seule du genre au sein de la Province du Brabant wallon. Elle possède la spécificité d’accueillir des femmes enceintes ou avec enfant(s). Vu l’encadrement 24H/24, des mineures enceintes peuvent également y être accueillies. Ici, au siège social de la MAMABW, on compte 30 lits pour huit familles comprenant 15 à 16 enfants. L’adresse volontairement confidentielle accueille des femmes « en crise », c’est-à-dire « qui viennent de quitter le domicile conjugal car elles y subissaient des violences, en détresse sociale ou seules »[8], développe Aurore Hebrant, directrice pédagogique de la MAMABW depuis près de six mois. Dans certains cas, une menace de placement d’un/des enfant(s) plane également suite à des faits de négligence divers et variés. « Notre maison permet dès lors aux mamans de se poser un peu et de trouver les ressources nécessaires pour envisager l’après. Parfois, c’est l’occasion pour notre équipe de les aider à désamorcer des procédures de placement qui étaient en cours mais qu’elles n’avaient pas tout à fait saisies car le système lié au Service d’Aide à la Jeunesse (SAJ) et au Service de Protection de la Jeunesse (SPJ) est très complexe », poursuit notre interlocutrice. « Les maisons maternelles assurent un travail en lien avec la parentalité, le lien maman-enfant…. Un focus particulier que n’ont pas les maisons d’accueil standard ou encore les refuges pour femmes victimes de violences conjugales. D’où nos partenariats avec l’ONE, la petite enfance, le SAJ, le SPJ, etc. »
En termes de frais, les personnes hébergées ont une contribution financière à verser et celle-ci est calculée en fonction de leurs revenus. Pour l’ensemble des maisons d’accueil, c’est le code wallon de l’action sociale et de la santé (CWASS) qui fixe cette participation financière (le montant diffère si la maison d’accueil organise ou pas les repas). N’ayant aucun frais au niveau énergétique, la personne peut ainsi en profiter pour se constituer une épargne ou épurer certaines dettes. Quel que soit le cas de figure, seules les femmes en séjour légal et résidant en Wallonie peuvent être hébergées à la MAMABW. Etre originaire de Charleroi, Mons ou Liège et « atterrir » à Ottignies n’est donc pas rare, car « les six maisons d’accueil sont toutes full dans les environs ».
Trois à 18 mois pour rebondir
La vie de la maison est rythmée chaque matin par « la réunion des mamans », organisée sur les coups de 9h30. « Cela permet de structurer la journée. Toutes y sont conviées mais nous faisons preuve de souplesse pour celles qui viennent par exemple d’arriver et ont un enfant en bas âge qu’elles allaitent et qui peut encore dormir à cette heure-ci », explique Mme Hebrant. Les tâches du quotidien sont ensuite réparties entre les différentes hébergées afin d’assurer la vie en collectivité. Quand les femmes envisagent de rester quelques mois, les enfants sont mis dans une crèche ou une école située à proximité, mais « les collaborations restent difficiles, même si nous sommes censés être prioritaires pour obtenir une place en milieu d’accueil de la petite enfance », déplore celle dont l’équipe se compose de 27 personnes. Dans cette maison qui accueille en majorité des victimes de violences conjugales, des activités spécifiques sont organisées pour renforcer à la fois les mamans et les enfants (suivi individuel, accompagnement collectif à travers des ateliers, des activités…). « Depuis une grosse dizaine d’années, nous avons un agrément spécifique pour accueillir ce type de public qui malheureusement est de plus en plus important », précise celle qui est thérapeute systémique de formation. Ateliers destinés aux enfants, halte-garderie pour les mamans en formation, ateliers autour de l’estime de soi pour apprendre à se réapproprier son corps… font partie de la palette des activités proposées sur place et ouvertes à toutes sur base volontaire. Outre la sécurité physique que viennent chercher les femmes dans un premier temps, les mamans reçoivent aussi un écolage à la fois juridique (quels sont mes droits en la matière ?) et financier pour apprendre à gérer leur budget au quotidien. « Vivre en maison d’accueil les met dans une bulle pendant plusieurs mois où elles n’ont pas à se soucier de qui va payer la facture d’eau, d’électricité, de chauffage à la fin du mois. On doit donc rester en phase avec la réalité et les préparer pour l’après, quand elles vivront à nouveau en autonomie. » Après un « atterrissage » pouvant durer de trois à 18 mois maximum, les femmes hébergées au « numéro 34 » peuvent ensuite aller vivre en logement social ou en logement privé selon leur projet individuel. La vie en semi-autonomie dans une autre maison gérée elle aussi par la MAMABW est une autre option possible. Là, il n’y a d’accueil garanti ni 24h/24 & 7j/7, ni pendant les week-ends. « Grâce à un appel à projets lancé par la Région wallonne qui souhaitait augmenter le nombre de places d’accueil destinées aux femmes victimes de violences conjugales, nous gérons également deux appartements pour accueillir ce type de public », explique Aurore Herbant. « Seulement deux appartements, c’est frustrant car la situation nécessiterait qu’on ait un zoning complet à disposition. » Enfin, la vie en maison communautaire est un ultime hébergement possible pour les femmes accompagnées par la MAMABW. Là, les femmes et leurs enfants peuvent rester le temps nécessaire pour que la maman réalise son projet. Réinsertion sociale, ancrage communal et travail en réseau sont fortement développés à partir de la situation de la personne. Laïcité Brabant wallon se mobilise Au vu de la prolifération des violences intrafamiliales (45 000 dossiers ouverts) et des féminicides[9] en Belgique, la Ville de Wavre a décidé de prendre à bras le corps la problématique des violences conjugales et domestiques en établissant un plan d’actions concrètes pour réduire les inégalités femmes-hommes et en travaillant à l’application de politiques coordonnées qui respectent la Convention d’Istanbul[10]. A l’instar d’autres associations notamment spécialisées sur le sujet, LBW a décidé de prendre part à son niveau à cette mobilisation locale car elle fait désormais partie d’un groupe de travail dédié. Ainsi, en novembre dernier, notre équipe a mis sur pied plusieurs activités dans le cadre de la première campagne ruban blanc initiée par la Ville (pièce de théâtre « Maux bleus » mise sur pied par la compagnie le Théâtre des rues ; ateliers féministes d’auto-défense). Le groupe de travail wavrien aura, par ailleurs, pour objectifs de récolter et analyser des statistiques en lien avec la problématique et de sensibiliser les écoles aux questions des violences faites aux femmes par le biais de l’EVRAS[11]. L’idée pour notre association est de participer chaque année à cette manifestation en proposant à chaque nouvelle édition des activités pertinentes et variées susceptibles de toucher un maximum de publics divers (scolaires, femmes, grand public). Conclusion Fruit – empoisonné – de notre société patriarcale, les violences conjugales sont de nos jours largement médiatisées le 25 novembre, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Si la crise sanitaire a eu le bénéfice de mettre en lumière ces violences ordinaires, il convient de sortir du déni et de se remémorer que chaque année, un nombre trop important de femmes sont tuées par leurs (ex)-conjoints[12]. L’adoption du Plan intrafrancophone (2020-2024) contre les violences faites aux femmes par les Gouvernements de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Wallonie et de la Cocof permettra, nous l’espérons, de faire reculer ces violences qui touchent aussi en premier lieu les enfants, notamment via le lancement de campagnes d’information et de sensibilisation ; l’ouverture de places d’accueil complémentaires ainsi que de nouvelles formules de logement pour les victimes. Au niveau fédéral, à l’automne dernier, la secrétaire d’État à l’Égalité de genre Sarah Schlitz (Écolo) a par ailleurs lancé un plan d’action fédéral de lutte contre les violences de genre et intrafamiliales. De trois centres de prise en charge des violences sexuelles aujourd’hui, ils seront portés à dix avant la fin de la législature (2024). Par ailleurs, la lutte contre les violences faites aux femmes sera une priorité pour les tribunaux, ainsi que l’étude de l’inscription du terme féminicide dans le Code pénal. Outre un budget de 2 500 000 euros pour la mise en œuvre de ce plan, les associations sont encore en attente de plus de partenariats entre les services travaillant sur la question des violences conjugales (social – santé – justice).
Sources
« Violences conjugales : ‘En Belgique, on ne protège pas ces femmes’ », Moustique, Catherine Ernens, 13 février 2022.
« Violences entre partenaires » éditée par la Province du Brabant wallon en 2021. Disponible en PDF via le lien : https://www.brabantwallon. be/bw/news/nouvelle-brochureviolences-entre-partenaires.html
Citation de Philippe D’hauwe, médecin généraliste spécialisé dans l’impact des violences conjugales sur les enfants, novembre 2020
« Sortir du silence » : Manuel à l’usage de celles et ceux qui veulent entrer dans la lutte contre les violences conjugales.
« L’impossible rupture : clés de lecture et chiffres pour penser la sécurité des femmes et enfants dans un contexte de violences conjugales postséparation », Solidarité Femmes, Emmanuelle Mélan, octobre 2019.
« Sarah Schlitz veut atteindre l’objectif zéro féminicide », Fanny Declercq, Le Soir, 27 novembre 2021.
[1] La ligne Ecoute Violences Conjugales a enregistré trois fois plus d’appels par jour durant la crise sanitaire.
[2] Chiffres de l’OMS – décembre 2020.
[3] En 2021, selon les ASBL, six enfants ont été tués dans le cadre de violences conjugales.
[4] Brochure « Sortir du silence – Manuel à l’usage de celles et ceux qui veulent entrer dans la lutte contre les violences conjugales ».
[5] Source : section Egalité des chances de la Ville de Wavre.
[6] Les-Maisons-dAccueil-du-Hainaut.pdf
[7] Idem
[8] Propos recueillis dans le cadre d’une interview réalisée le 21 février 2022.
[9] Un féminicide est le meurtre d’une femme en raison de sa condition de femme. On en a dénombré 24 en 2020 et 19 en 2021.
[10] La Convention d’Istanbul est un traité international du Conseil de l’Europe, amenant les États signataires à s’entendre pour l’élimination de toutes les formes de violences envers les femmes, y compris la violence conjugale et familiale.
[11] Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle.
[12] En 2021, au moins 19 féminicides ont été recensés.