Anthony Spiegeler
Président de Laïcité Brabant wallon
L’alternative au coeur des cultes ?
Quel est le rôle des cultes dans la transition écologique ? Face aux bouleversements climatiques, la question du devoir collectif est posée. Depuis peu, nous observons que les représentants des différentes communautés religieuses et laïques se muent en lanceurs d’alerte en abordant de manière dichotomique la question de la nature. Les tensions ? Du sublime face à l’appréhension, voire l’observation d’un désenchantement du monde, d’une catastrophe inscrite dans les bouleversements climatiques. Ceux-ci impulsent les modifications sociétales que nous observons au quotidien. D’emblée la question du devoir collectif est posée.
Réenchanter par l’action
Si l’on observe le phénomène de manière « macro » et que l’on traite de sujets difficiles, comme les violences, les migrations, la pauvreté, le sacrifice de communautés locales, l’appropriation de terres ou de ressources qui découlent de ces enjeux environnementaux, on ne peut que retrouver un terrain commun où les actions sont tournées vers l’accueil, vers l’Autre avec, en ligne de mire, une force, une puissance placée en apnée de toute forme de prosélytisme. Avec cette conscience, les affres perçues devraient être, dans un monde idéal, des balises nous permettant de travailler sous le prisme de la soutenabilité, de la reforestation, de la sobriété heureuse, de l’écoute. Malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde idéal et l’éthique environnementale est toujours confrontée aux freins de l’anthropocentrisme. Pourtant, quel mouvement humaniste oserait dire, en 2023, que le réchauffement climatique n’a pas d’incidence sur les cultes ? Comment travailler avec plus d’impact qu’une « simple » solidarité de principe ? Quel est le rôle des courants religieux et spirituels ? Réenchanter ? Panser les maux causés par les douleurs de la terre ? Réorienter nos représentants vers des missions de médiateurs de terrain ? In fine : est-ce notre rôle ?
Sublime et fatalisme
De drames en tragédies, nous pouvons observer que la société civile s’empare du sujet sous de multiples formes. Les artistes, à titre d’exemple, créeront des oeuvres dont l’impact visuel aura plusieurs missions : conscientiser, éduquer, informer. Tiraillés entre l’angoisse et l’espoir, ces intervenants s’expriment à large spectre, comme dans le cadre de l’exposition qui s’est tenue, en 2017, au Centre Pompidou-Metz : Sublime, les tremblements du monde. On pouvait y découvrir que les croyances et les mythes continuent, parfois sans le vouloir, d’alimenter un imaginaire catastrophique. Expérience de la transcendance, la menace des éléments apparaissait, sous le filtre de l’art, de manière hypnotique. Ce fatalisme pour le futur de nos vies, de nos paysages, génère encore aujourd’hui différents sentiments : la résignation ou l’exaltation, la mélancolie et l’accoutumance aux images spectaculaires. Et la commissaire de l’exposition, Hélène Guenin, d’étayer : « Effroi et subjugation devant la démesure et épreuve de la solitude du sujet face au cosmos offrent une réminiscence de l’idée de nature qui constituait alors l’horizon de pensée : celle d’une puissance encore méconnue, partiellement émancipée des discours religieux ou des superstitions, qui peut à tout instant anéantir les entreprises humaines. »
Le temps de la conscience a déjà été impulsé. Le sentiment de solitude s’exacerbe. Le raisonnement et les pistes d’actions s’esquissent. Toutefois, depuis les années septante, nous pouvons observer que d’autres chemins apparaissent. En effet, différents publics retournent à des pratiques rituelles avec des traditions panthéistes et parfois animistes. L’expérience de la nature se fait, pour ceux-ci, de manière subjective par le biais d’une nouvelle transcendance. Comment expliquer ce rejet des cultes traditionnels pour ces pratiques ? Avec l’apparition des réseaux sociaux, ces nouvelles croyances se voient glorifiées ; elles touchent un public plus jeune, plus enclin à l’occultisme, au don de soi et à la perméabilité avec la nature. Dans ce contexte, il me semble que trouver la juste mesure de nos actions est une gageure supplémentaire où le débat, l’écoute, la pédagogie, mais surtout l’engagement concret permettront d’offrir, par le biais d’une philosophie ne faisant fi de l’écologie, une alternative crédible.
1 Article tiré du Magazine l’Appel n°461, novembre 2023.