Béatrice Touaux
Comme nous l’avons vu dans l’article de septembre, il est temps d’agir pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement fournissant, de fait, une alimentation plus saine mais toujours en suffisance. Le leitmotiv de l’agrobusiness, mais aussi de certain·es agriculteur·rices conventionnel·les, est d’avoir pour mission de « nourrir l’humanité », slogan qui a pour volonté de discréditer toute alternative. Pourtant la littérature abonde de publications mettant à mal ce mode de fonctionnement. Même si certain·es, et cela peut sembler humain, s’accrochent par peur ou par intérêt à l’agriculture industrielle qui n’est plus pérenne, d’autres, dont on se moquait il y a encore peu de temps, ont déjà pris un chemin plus « vertueux » correspondant aux attentes de notre nouveau monde : l’agroécologie.
Contrairement à ce que les détracteur ·rices de cette science agronomique veulent faire croire, cette nouvelle vision ne mène pas à une agriculture moyenâgeuse. L’agroécologie est une science agronomique qui nécessite une formation ou un enseignement poussé permettant de comprendre le fonctionnement des milieux naturels. Tous ces nouveaux savoirs doivent nous ouvrir une nouvelle voie de production, protéger notre environnement et nous nourrir en toute sécurité.
Rentabiliser chaque parcelle
Une rapide synthèse du fonctionnement de l’agriculture industrielle :
→ Aménagement du territoire pour augmenter les surfaces et optimiser l’utilisation des machines
✘ Destruction des éléments du paysage (haies, talus…) protégeant la biodiversité.
Accélération de l’érosion des sols mis à nu et non protégés par des éléments de paysage.
→ Destruction des sols. Monocultures céréalières à haut rendement non adaptées aux différents milieux
✘ Usage de graines sélectionnées, d’où une uniformisation des cultures.
L’augmentation du rendement ne va pas de pair avec la qualité du produit final mais avec sa rentabilité. Monopole de quelques sociétés qui maitrisent l’ensemble de la chaine : de la graine au produit final en passant par les produits phytosanitaires.
Cette uniformisation engendre évidemment une perte de la diversité des produits agricoles, perte de variétés de graines.
→ Utilisation d’intrants chimiques comme les engrais de synthèse, pesticides, fongicides, herbicides… pour permettre aux plantes sélectionnées de résister aux ravageurs
✘ Contamination des plantes, des sols, des nappes phréatiques, des rivières, des fleuves, des océans et de l’air.
Ces intrants provoquent le dégagement de méthane et de protoxyde d’azote, gaz à effet de serre 50 à 250 fois plus puissants que le CO2, responsable du dérèglement climatique. Depuis plus de 30 ans1, les graines sont enrobées de pesticides. Lors de la croissance de la plante, 95 % partent dans l’environnement et 5 % restent dans la plante. Ces intrants appauvrissent la biodiversité en détruisant les organismes présents dans le sol.
Tous ces intrants polluent et sont à l’origine de problèmes de santé2 en premier lieu pour les personnes qui les utilisent. En effet, en France, le cancer de la prostate ou la maladie de Parkinson sont reconnus comme maladies professionnelles pour les travailleur·euses agricoles soumis·es à une exposition aux pesticides.
→ Utilisation de l’eau pour irriguer ces cultures et abreuver les animaux d’élevage
✘ Risque de stress hydrique voire de guerres de l’eau. La sécheresse est une des conséquences les plus importantes du dérèglement climatique qui va amener les populations3 à migrer par dizaine de millions dans les prochaines années, dans un premier temps dans leur propre pays, dans les pays avoisinants et en dernier lieu vers des pays plus éloignés.
En 2040, la Belgique fera partie des pays en état de stress hydrique.
→ Utilisation importante des énergies fossiles, principalement le pétrole, pour fabriquer les intrants chimiques et faire fonctionner toutes les machines agricoles
✘En plus des problèmes déjà cités d’émission de gaz à effet de serre, l’utilisation abondante des énergies fossiles nécessaires d’un bout à l’autre de la chaine de production, n’est financièrement plus tenable.
Le coût du pétrole est trop aléatoire surtout avec des réserves de pétroles non-conventionnels (sables et schistes bitumineux) beaucoup plus chers que le pétrole conventionnel dont le pic de production se serait produit en 20104.
→ Elevage intensif 5
✘ En Europe6, 63 % de la production agricole sont utilisés pour nourrir les animaux que nous mangeons, sans compter les tonnes de protéines végétales que nous importons (le soja par exemple) pour compléter l’alimentation animale. Il ne fait aucun doute que l’élevage intensif génère, directement ou indirectement, émission de GES, déforestation, zoonoses et épidémies. Nous constatons, de plus, un problème dans la gestion des déchets (ex : algues vertes en Bretagne7, rejet de nitrates dans les sols et cours d’eau liés aux porcheries) et une utilisation abusive d’antibiotiques et autres médications chimiques. Et que dire de l’inacceptable maltraitance animale !
Les ressources financières
✘ Endettement, paupérisation, mal-être des agriculteur·rices. Parallèlement, les subventions européennes favorisent les grandes exploitations et pénalisent les pays du sud par une concurrence déloyale. PAC et politiques agricoles nationales parlent beaucoup mais accompagnent timidement le changement de cette agriculture en n’aidant pas suffisamment les exploitations qui favorisent l’environnement.
Évidemment, on peut toujours dire que ce système nourrit l’humanité mais cela reste à prouver. D’ailleurs, au vu des chiffres des personnes en malnutrition8 ou à l’inverse de celles en situation d’obésité, on se dit qu’il y a un petit souci de répartition des biens. Ce que confirme Esther Duflo, économiste et prix Nobel : « Il y a même aujourd’hui suffisamment de nourriture pour nourrir le monde entier, et en laisser un peu de côté. C’est la répartition de cette nourriture qui n’est pas juste, ni équitable »9. L’obésité et le surpoids touchent entre 52 % des adultes10 à 66 % de la population mondiale, toutes tranches d’âge confondues. Ce problème de santé publique corrélé à la sédentarité est une conséquence alarmante du système agroalimentaire actuel (nourriture transformée contenant trop de sucre et de mauvais gras) qui met à son service notre agriculture. Le coût des soins médicaux, les morts prématurées, la perte de productivité… liés à ce fléau coûteraient l’équivalent de 2,2 % du PIB mondial annuel11. Tous les pays sont touchés puisque l’on constate qu’à mesure que les pays s’enrichissent l’obésité augmente car les régimes alimentaires incluent plus de produits transformés. Mais comme le signale Simon Barquera (directeur du centre de recherche sur la nutrition et la santé, Mexico) dans Le Vif : « le coût économique lié à l’obésité n’est pas attribuable à des comportements individuels, mais résulte plutôt de l’influence de priorités sociales et commerciales. »
En résumé, le slogan plus adapté est : nourrir ou gaver l’humanité ?
Face à ce tableau peu engageant mais factuel de la situation de l’agriculture conventionnelle servant l’agrobusiness, il est temps d’agir, c’est même une question de survie pour l’humanité. L’agroécologie12 est peut-être la réponse.
Quelques définitions
Le premier a prononcé le mot agroécologie est Basil Bensin13 en 1928. Il envisage l’agroécologie comme une science de la conservation du sol autour de trois piliers : plante, environnement et culture, dans une vision systémique. Déjà, il propose de fonder la sélection des variétés commerciales de maïs sur leurs caractéristiques d’adaptation au milieu et non sur leur potentiel de rendement. Il propose les bases d’un programme de recherche en agroécologie, avec une approche interdisciplinaire associant écologie des plantes cultivées, technologie agricole, connaissance de l’environnement naturel, économique et social. Pour lui, l’agroécologue doit prendre en compte les conditions économiques et leurs interactions avec leur milieu ; iel ne doit pas seulement considérer le rendement optimum mais aussi la viabilité économique des régions agricoles14.
Dans les années 80, Miguel Altieri, chercheur agronome américanochilien remet ce concept à la mode. L’agroécologie est « une discipline scientifique qui aborde l’étude de l’agriculture d’un point de vue écologique ». Dans son livre « L’agroécologie : Bases scientifiques d’une agriculture alternative » il synthétise les savoirs paysans et les connaissances récentes de l’écologie appliquée à l’agriculture. Il met en avant des systèmes agricoles très diversifiés, qui favorisent la conservation des terres, la restitution de la matière organique et des nutriments du sol, la création de moyens endogènes de contrôle biologique contre les ravageurs, l’utilisation multiple du paysage…
Concrètement
Vous l’avez compris, il faut diminuer voire supprimer ce qui est utilisé de manière abusive ou dangereuse dans l’agriculture actuelle et mettre en place de nouvelles pratiques :
- Arrêter ou drastiquement diminuer les intrants chimiques
- Proposer des semences dites rustiques, c’est-à-dire locales capables de se développer dans le milieu qui est le leur, plus résistantes aux variations climatiques et moins gourmandes en eau
- Revenir à la polyculture pour éviter d’être dépendant·e d’un seul type de produit, en rotation permettant aussi de reposer et préparer les sols
- Ne plus labourer et mettre à nu le sol mais le protéger pour éviter son érosion et l’évaporation
- Créer des élevages extensifs avec des races du terroir complémentaires au milieu
- Modifier le paysage agricole pour ramener la biodiversité
- Créer des échanges locaux, vente directe et circuits courts
- Aider financièrement les fermes qui favorisent ce type d’agriculture et ne pas aider celles qui ne font pas d’efforts
- Réduire les coûts investis pour ne pas être dépendant ·e des banques
Cette nouvelle vision de l’agriculture est très pointue car si l’agriculture conventionnelle est linéaire et peu exigeante d’un point de vue des savoirs, l’agroécologie est une éthique de vie15 qui nécessite une compréhension de l’ensemble des milieux et surtout de leurs interactions. Elle permet une pratique respectueuse de l’environnement qui tient compte de l’écologie scientifique, l’agronomie, les sciences sociales et l’économie. Il est donc crucial de former les agriculteur·rices ce qui est aujourd’hui le point faible de la mise en place de ce mode de fonctionnement. Il faut donc d’abord l’enseigner dans les établissements spécialisés dans le milieu agricole. Il ne s’agit plus – je caricature – de labourer, de semer, de pulvériser, de faucher…mais bien de comprendre tout l’écosystème, c’est-à-dire, comment le moindre champignon interagit avec la plante, quels sont les rôles des organismes dans le sol, comment en plantant un arbre à tel endroit on va apporter de la biodiversité qui va interagir avec les plantes qui poussent autour… Comment l’ensemble ne fait qu’un et qu’on ne peut rien négliger. Une merveille de vie en symbiose et beaucoup de compétences techniques. Il existe beaucoup de démarches à travers le monde pour mettre en œuvre une agriculture qui concilie production, écologie et objectifs sociaux16 (création d’emplois, meilleure qualité de vie, sécurité alimentaire…).
Exemple concret d’une transition agroécologique
Benoit Biteau, paysan en Charente Maritime, ingénieur agronome, député européen EELV et auteur du livre « Paysan résistant ! » a repris et converti la ferme de son père aux pratiques agroécologiques. Sur la chaine Greenletter Club17 en janvier 2021, il explique son parcours. A la reprise de l’exploitation de son père, Benoit Biteau prend la décision de ne pas prolonger la monoculture du maïs irrigué pourtant présente sur l’exploitation depuis 35 ans et qui représente l’activité de la majorité des exploitations de la Charente. Ce type de culture utilise 80 % de l’eau potable en période estivale et le maïs est destiné à la nourriture animale et à l’exportation. Pour Benoit Biteau, ce système n’est plus décent car l’agriculture n’est pas une activité économique qu’on pose au milieu de nulle part et qui fait ce qu’elle veut avec les ressources locales. Au contraire, elle doit penser et intégrer l’ensemble des acteur·rices du territoire : tourisme, activités professionnelles locales et, dans le cas de la Charente Maritime, l’ostréiculture par exemple. Il faut travailler avec l’ensemble des acteur·rices du territoire.
Même non-sens avec l’utilisation des pesticides car il existe des solutions alternatives qui apportent des réponses pour ne plus en être dépendant·e. De ce constat, il essaie d’imaginer comment il peut développer d’autres logiques agricoles tout en préservant les équilibres économiques de sa ferme (ne pas l’appeler exploitation mais ferme, ne pas l’appeler exploitant mais paysan) pour en vivre décemment. Pour lui, il faut intégrer une approche globale en tenant compte des autres acteur·rices économiques, des enjeux de territoire et des 3 piliers du développement durable, c’està- dire les dimensions sociale, écologique et économique.
Il rappelle que rien que pour la fertilisation azotée, on a créé une dépendance au pétrole de 300 à 400 litres par hectare et par an. Quand on pratique des logiques agroécologiques on efface cette dépendance au pétrole. Sa ferme est complètement autonome sauf pour l’énergie avec le gasoil pour le tracteur et l’électricité pour le matériel agricole. Il n’achète pas d’engrais, ni pesticides puisque pour lui c’est une hérésie de parler de pesticides en agroécologie et ni semences certifiées inscrites au catalogue des semences (cf encadré A ). Il ne travaille qu’avec des écotypes c’est-à-dire de la ressource génétique adaptée au milieu sur lequel il travaille. Aujourd’hui, sur sa grosse structure de 250 hectares (4 fois la surface agricole moyenne belge), il a deux types de productions. 130 hectares en prairies naturelles où sont développés 5 ateliers d’élevage dont un atelier de vaches d’une race locale qui produisent des veaux pour en faire de futurs reproducteurs et un peu de viande, un atelier caprin avec la race locale pour des produits laitiers de chèvre, des baudets du Poitou pour faire du pâturage simultané avec deux espèces. Il met les chèvres avec les baudets et les vaches avec les chevaux de trait car cette gestion du pâturage par l’association de deux espèces permet d’amplifier la productivité des prairies, plutôt que de mettre des engrais de synthèse. Nous sommes ici dans une logique agronomique qui permet de rester très productif·ve sans avoir recours à des intrants extérieurs. Il a également un petit atelier de poules pondeuses locales. Toutes ces productions animales, des produits laitiers à la viande sont vendu·es en vente directe à la ferme. Toute sa production végétale est dédiée à l’alimentation humaine, puisque son principe est de nourrir des herbivores avec de l’herbe. Il n’a donc pas besoin de production en grandes cultures pour nourrir des herbivores à l’auge. Il produit 17 espèces différentes comme du tournesol, du blé, de l’épeautre, du petit épeautre, du seigle panifiables, du pois vert, du pois chiche… le principal débouché est la distribution dans les Biocoop et Léa Nature, diffuseurs de produits bio.
Pour lui la preuve de la viabilité, de la robustesse économique même de ce modèle est que malgré tous les bâtons que lui ont mis dans les roues la FNSEA18, les chambres d’agriculture, la MSA, la SAFER… pour le mettre à genou financièrement, il a réussi à tenir. Tout le système est verrouillé par un lobby puissant. En 13 ans il a subi 14 contrôles PAC (cf encadré B ), là où une exploitation conventionnelle n’en a à peine qu’un tous les 10 ans. Le contrôleur lui a avoué venir sur dénonciation. La MSA lui a prélevé directement 18 000€ dès l’année de son installation sous de faux prétextes. Un procès de 3 ans lui a permis de récupérer son argent avec indemnités… Son système agroécologique remet tellement en cause le système actuel que Benoit Biteau est même menacé physiquement.
Contrairement aux exploitations conventionnelles qui dépendent totalement du pétrole, les coûts de production d’une ferme agroécologique ne sont pas corrélés au prix du pétrole et donc à chiffre d’affaires constant les coûts de production ne changent pas, la marge reste correcte. Alors que pour les autres, les coûts de production indexés au prix du pétrole peuvent augmenter au point de dépasser le chiffre d’affaires et donc les étrangler financièrement. C’est le cas pour les producteur·trices de lait, par exemple, qui dépendent du maïs et du soja importé pour nourrir leurs animaux et donc des fluctuations du marché liées au prix du pétrole.
Pour réussir en agroécologie, il faut repenser toutes les étapes, anticiper et utiliser les ressources génétiques locales. Les animaux plus résistants ne nécessitent pas le passage régulier du vétérinaire. Si dans les élevages conventionnels les vaches subissent des césariennes dès 3 ans et partent à l’abattoir à 5 ans, avec les races locales, Benoit Biteau n’a jamais eu besoin de faire de césariennes à ses vaches et elles vivent une vingtaine d’années en ayant toujours des veaux. Nous ne sommes pas du tout dans la même logique. Là encore les coûts sont diminués mais probablement que ça ne plait pas à l’industrie pharmaceutique vétérinaire !
L’agroécologie s’appuie sur des infrastructures pérennes qui stockent du carbone. Pour cela, Benoit Biteau pratique également l’agroforesterie. Il plante des alignements d’arbres, qui séquestrent le carbone sur ses parcelles. Ce qui l’intéresse c’est de cultiver en production annuelle les bandes qui sont intercalées entre ces arbres surtout pour ce qui se passe en sous-sol. Le système racinaire des arbres implique qu’il enrichit son sol en matière organique qui se minéralisera pour fournir de l’azote pour les plantes. Un enrichissement en matière organique qui apportera naturellement de l’azote.
Les sols sans biocides, c’est-àdire non aspergés de produits de synthèse, sont vivants et permettent la séquestration des gaz à effet de serre (GES).
La nature reprend vite ses droits avec le retour d’insectes et donc d’oiseaux. Une bonne partie de la diversité qui avait disparu est revenue. Certains insectes sont nécessaires pour détruire ceux qui peuvent être gênants mais lorsqu’on pulvérise on détruit toute la chaine et donc tout l’écosystème.
En résumé
Dans les différents plans agricoles des États on trouve la volonté d’aller vers l’agroécologie. L’ONU l’encourage également. L’agroécologie concerne tous les pays et sa mise en place est propre à chacun en fonction de son territoire, de ses espèces… bref de l’écosystème local. Il est urgent de penser à préparer cette nouvelle agriculture car cela ne se fera pas d’un claquement de doigt, le plus gros frein étant la formation des agriculteur·rices et bien évidemment la volonté. Il n’est plus temps de jouer avec notre santé et surtout notre suffisance alimentaire. Le lobby de l’agrobusiness19 se comporte comme le lobby des cigarettiers il y a quelques années, en nous bernant comme le démontre Pascal Vasselin et Franck Cuveillier dans leur film sorti pour Arte en 2020, « Fabrique de l’ignorance ».
La littérature abonde et prouve tout l’intérêt de ce modèle. La science agronomique nous permet tous les jours de découvrir comment certaines plantes comme la luzerne enrichissent le sol en azote pour les cultures suivantes, comment les mycorhizes20, qui correspondent à l’association symbiotique entre des champignons souterrains et les racines des plantes, renforcent l’immunité des plantes et préservent leur santé…
Malheureusement ce n’est pas parce que c’est possible que cela va être simple. Imaginons le monde qui s’annonce et que nous ne pouvons plus ignorer même si les contours sont flous. Notre alimentation ne sera plus identique à celle que l’on connait et que l’on jette dans nos caddys sans réfléchir. On trouvera ce qui est produit plus localement, moins ou non transformé. Les produits hors saison ou venant de l’autre bout du monde seront inexistants ou très chers, comme les générations avant les années 70 ont vécu. Ne vaut-il pas mieux avoir à manger tous les jours des produits locaux et de saison que du saumon fumé d’élevage toute l’année, même si à grand renfort de publicités on n’avait réussi à nous convaincre du contraire ? L’éducation du consommateur sera nécessaire, fini les rayons entiers de biscuits, de soda, de chips, de plats préparés…, à prix cassés. L’agriculture industrielle nous a offert la consommation immédiate, la société devra s’adapter avec toutes les conséquences que cela impliquera. Consomm’acteur·rice, votre assiette est votre bulletin de vote, encore un choix crucial à faire pour nous et les générations futures, changer nos habitudes ou continuer comme si de rien n’était, le temps que cela durera.
ENCADRE A
Le catalogue de semences officielles a été imaginé par les semenciers eux-mêmes qui ont défini la réglementation autour des semences pour conduire à ce que les agriculteur·rices n’aient plus l’autorisation de pouvoir utiliser la ressource génétique qui ne soit pas inscrite au catalogue. Il ne faut pas oublier que les semences du catalogue vont de pair avec l’utilisation des pesticides, engrais… sans quoi les plantes ne pourraient pas se développer. Inversement, les graines rustiques hors catalogue n’ont pas besoin de tous ces intrants, c’est donc un manque à gagner pour toute cette industrie. Au 1er janvier 2022, les agriculteur·rices biologiques pourront utiliser de la ressource génétique non inscrite au catalogue, ils pourront ressemer et récolter leurs grains et surtout les commercialiser car c’est ce qu’interdisent les semenciers.Utiliser ses propres grains coûte 10 fois moins chers que d’acheter de la semence certifiée et elles ne nécessitent pas d’engrais et autres produits de synthèse. Il en est de même pour les races animales avec une diminution importante de la diversité.
ENCADRE B
L’agriculture est une activité économique qui mobilise beaucoup d’argent public, rien qu’en 2021 la PAC a alloué 62,5 milliards d’euros, dont 10 milliards pour la France complétés par des enveloppes d’État, de régions, de départements… 15 milliards d’euros sont distribués chaque année en France pour accompagner les activités agricoles juste pour soutenir le revenu des agriculteur ·rices sans tenir compte si ce qu’ils font est bien ou pas pour l’environnement. 80 % de l’enveloppe est consommée par les 20 % d’agriculteur·rices qui sont les plus gros consommateur ·rices d’intrants et qui n’ont pas envie de changer puisqu’ils continuent à toucher l’argent public. Il faut installer de la conditionnalité dans la distribution de l’argent public. La société civile doit jouer son rôle, pour une agriculture saine et respectueuse de l’environnement et de la société. En plus des aides agricoles, le·la contribuable en tant qu’usager·ère de l’eau par exemple paie des sommes colossales dans les actions curatives comme dépolluer l’eau enrichie en pesticides.
Sources
1 « Effondrement de la biodiversité : pourquoi on a tout faux ! » conférence de Pierre-Henri Gouyon, biologiste français spécialisé en sciences de l’évolution, en génétique, en botanique et en écologie. Professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle, 16 septembre 2022.
2 https://www.ayming.fr/insights/actualites/maladies-professionnelles-creation-du-tableau-n61-pour-le-regime-agricole/
3 « L’avenir de la sécurité : préparer l’OTAN aux migrations climatiques » par Brigitte Hugh, Erin Sikorsky dans NATO REVIEW, 19 mai 2022
4 « L’avenir du pétrole, entre impératif économique et urgence écologique » Eclairage, sur le site de Vie-publique.fr, 4 janvier 2022
5 « Elevage industriel : un effet boeuf sur l’environnement » Greenpeace, 2017
6 « Crise agricole et crise alimentaire : une alternative est possible », Les Amis de la Terre France, 30 mars 2022
7 « Bretagne : les algues vertes prolifèrent, l’Etat laisse faire » Greenpeace, 2019
8 « D’après un rapport de l’ONU, la faim dans le monde progresse et pourrait avoir touché jusqu’à 828 millions de personnes en 2021 », OMS, communiqué de presse, 6 juillet 2022
9 « La lutte contre la pauvreté est-elle devenue une science ? », posdcat radiofrance avec Esther Duflo, 24 novembre 2022
10 « Obésité et surpoids » OMS, 20 août 2020
11 « Le coût de l’obésité croissante sur les économies », Le Vif, 21 septembre 2022
12 « Comprendre l’agroécologie. Origines, principes et politiques » par Matthieu Calame, 2016
13 Basil Bensin (1881-1973) né en Russie, il est diplômé en sciences agricoles aux États-Unis en 1912
14 « Les mondes de l’agroécologie », Thierry Doré et Stéphane Bellon, éditions Quæ
15 « 5 choses à savoir sur l’agroécologie » Terrafutura.info
16 « Répondre aux défis du XXIe siècle avec l’agro-écologie : pourquoi et comment ? », Laurent Levard et Frédéric Apollin, Coordination Sud Solidarité Urgence Développement, janvier 2013
17 « #22 – Agroécologie : comment renverser l’agriculture intensive ? » Benoït Biteau (paysan & eurodéputé)
18 Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles MSA la sécurité sociale agricole SAFER Société d’aménagement foncier et d’établissement rural
19 « Goliath » film de Fréderic Tellier sorti en mars 2022
20 « Comprendre et utiliser les liens du vivant pour penser le monde » Conférence de Marc-André Selosse, Festival Philosophia, 28 mai 2022