Crise climatique et droits humains : un même combat

Annabelle Duaut

Le 10 décembre dernier, journée internationale des droits de l’Homme, le Centre d’Action Laïque lançait sa nouvelle campagne d’éducation permanente 2025 :
«La planète brûle, nos droits aussi». La raison : les atteintes à l’environnement et leurs conséquences questionnent de façon existentielle l’humanité toute entière et font peser des risques immenses sur la capacité à garantir l’effectivité des droits fondamentaux. Passage en revue des droits qui sont concrètement menacés par la crise climatique en Belgique et plus particulièrement chez nous en Brabant wallon.

Le réchauffement climatique n’est pas seulement une affaire de degrés supplémentaires. Il bouleverse nos sociétés, fragilise les plus vulnérables, et remet en cause nos droits fondamentaux. En Belgique et plus localement au niveau du Brabant wallon, les impacts se font déjà ressentir : montée des eaux, épisodes de canicule… Cette crise environnementale vire à la crise sociale et démocratique.

Le droit à la vie, à la santé et à un environnement sain

Le réchauffement climatique augmente la fréquence des événements météorologiques extrêmes : vagues de chaleur, inondations, sécheresses… Les inondations de juillet 2021 ont quant à elles marqué la Belgique, mais aussi le Brabant wallon où des communes comme Wavre, Grez-Doiceau, Ottignies-LLN, Chastre, Beauvechain et Walhain ont notamment été très impactées puisque la sécurité de centaines de familles a été mise en péril lors de ces crues exceptionnelles. L’été 2022 a été très chaud et a été marqué par l’activation de la phase d’avertissement du plan chaleur et pics d’ozone à quatre reprises. Sciensano a constaté une surmortalité estivale importante, avec des grandes disparités en fonction du sexe et de l’âge. En Belgique, toutes causes confondues, l’été dans son ensemble a été marqué par une surmortalité de 2 291 décès, soit 5,7% de plus par rapport aux prédictions de Be-MOMO (Belgian Mortality Monitoring). C’est la surmortalité estivale la plus importante depuis les 20 dernières années1.

Selon le site « Vers une Belgique en bonne santé », le plat pays est le 4ème pays de l’UE (sur 14 sondés) à être le plus exposé aux particules fines avec des taux supérieurs à la moyenne européenne et qui sont le double de ceux de la Finlande. En 2021, la Belgique a enregistré environ 6 810 décès prématurés liés à la pollution de l’air2, ce qui représente une part significative de la mortalité annuelle liée à des facteurs environnementaux. L’air pollué (ozone en été, particules fines toute l’année) et les saisons polliniques qui se décalent et s’allongent3 – ce qui conduit à des allergies plus fréquentes et plus longues à cause d’hivers plus doux et de printemps plus précoces -, sont des facteurs importants qui ont des conséquences directes sur la santé. Le climat impacte donc le droit à la santé (article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme) et le droit à un environnement sain4, que la Belgique reconnaît via la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Le droit au logement

Les inondations, sécheresses et glissements de terrain remettent en cause la sécurité des logements. En Wallonie, 39 personnes sont décédées suite aux crues de l’été 2021 – ce qui en fait la catastrophe naturelle la plus meurtrière de l’histoire du royaume – et certains sinistrés de ces crues exceptionnelles peinent encore à retrouver une vie normale5. Selon un rapport de chercheurs qui se sont intéressés au profil socio-économique des victimes et sinistrés, «les quartiers où il y a le plus d’accidents mortels sont […] en bord de Vesdre mais aussi des quartiers qui présentaient des indicateurs socio-économiques assez dégradés»6. A titre d’exemple, «le quartier de Verviers-centre qui a été fort impacté, il y a une proportion de locataires qui est plus élevée que le reste de la ville de Verviers. Il y a une proportion de bénéficiaires de l’intervention majorée donc de BIM, qui est supérieure à l’ensemble de la ville de Verviers. Ces quartiers font vraiment face à une double vulnérabilité, que d’une part, elles sont plus exposées à l’aléa climatique, mais qu’elles sont aussi plus fragiles et qu’elles sont plus vulnérables en termes socio-économiques»7.

Or, le droit au logement décent est un droit humain fondamental (article 25 de la DUDH8, article 23 de la Constitution belge9). Dans certaines communes rurales et agricoles du Brabant wallon, l’imperméabilisation des sols – due à la forte urbanisation du territoire, mais aussi à une potentielle succession d’étés particulièrement secs couplée aux événements extrêmes à l’image des pluies torrentielles de juillet 2021 qui ont généré à leur tour des coulées de boue – menace déjà la viabilité de certaines zones d’habitat. Dans notre province également, les personnes vivant en zones inondables sont les plus exposées et peuvent être les moins bien protégées.

Le Brabant wallon compte de nombreuses zones inondables, avec un grand nombre de points noirs identifiés10, principalement dans le sous-bassin de la Dyle-Gette. La superficie du territoire du Brabant wallon située en zones inondables est de 10 595,8 hectares, soit 9,69% du territoire provincial. Les communes du Brabant wallon qui comptent les plus grandes parts de territoire en zones inondables sont Rixensart (17 %), Grez-Doiceau (15 %) et Tubize (15 %). Les communes d’Hélécine, Wavre et Braine-le-Château comptent encore plus de 12 % de leur territoire en zones inondables11. En ce qui concerne l’affectation des zones inondables au plan de secteur, 22 % des zones inondables sont en zones d’habitat et 11 % en zones autres que l’habitat, c’est-à-dire en zones d’activités économiques, de loisirs, d’équipements communautaires, etc.12

Equipements de lutte contre les inondations Il apparaît clairement que le Brabant wallon renferme un nombre impressionnant de ces sites à risque. En effet, 139 points noirs y sont comptabilisés. Cela représente 27,7 % des points noirs de la Région wallonne, et 23 communes sont concernées. A l’échelle locale, les communes du Brabant wallon ne sont pas sur le même pied d’égalité face à la répartition des points noirs. Nous observons des concentrations de points noirs dans plusieurs communes. C’est notamment le cas à l’ouest de la province (Tubize – Braine-le-Château), dans le centre (Ottignies-LLN, Court-Saint-Etienne, Mont-Saint-Guibert et Chaumont-Gistoux) et à l’est (Beauvechain, Hélécine et Orp-Jauche).

Le droit à l’alimentation et à l’eau

En Brabant wallon, comme ailleurs en Wallonie, les agriculteurs s’adaptent progressivement aux changements climatiques en privilégiant notamment des cultures plus résistantes à la sécheresse, aux maladies, et qui sont également moins gourmandes en eau (orge, seigle, légumineuses telles que le pois fourrager, les fèves…)14. Cette évolution vise à optimiser la production et à réduire les risques liés aux conditions météorologiques extrêmes. L’ensemble de ces évolutions posent la question du droit (et de l’accès) à une alimentation de qualité, en suffisance et à un prix accessible, surtout pour les ménages précarisés.

En parallèle, l’accès à l’eau potable, garanti en Belgique, est également mis sous pression. Avec les pénuries15 à venir qu’on imagine, le prix de l’eau risque d’augmenter ce qui pose de nouveau problème pour les familles à faibles revenus, notamment les familles monoparentales à la tête desquelles on retrouve 85% de femmes. Le droit à l’eau est reconnu par l’ONU depuis 2010 comme un droit humain fondamental. Néanmoins, la Belgique se classe parmi les pays les plus exposés au stress hydrique puisqu’elle fait partie des 20 pays les plus concernés par la crise de l’eau, ce qui affecte l’agriculture et l’accès à l’eau potable au quotidien. Pour plus d’infos, n’hésitez pas à consulter l’article du CALepin n° 116 « L’eau douce : une ressource vitale en voie de disparition ».

Une urgence éthique et citoyenne

La lutte contre le changement climatique n’est pas qu’une affaire de CO2, mais bien et aussi de droits humains. Pour qu’elle soit efficace et juste, cette lutte ô combien transversale doit s’appuyer sur la solidarité, la participation et la protection des plus vulnérables. Même à l’échelle locale, chacun et chacune a un rôle à jouer – qu’il soit élu, citoyen, membre d’une association – pour défendre non seulement la planète, mais aussi la dignité humaine. Au travers des valeurs de liberté, d’égalité et de solidarité qui sont les siennes, le Centre d’Action Laïque espère avoir contribué au cours de cette campagne 2025, à la réflexion, au débat et à la formulation de propositions et revendications.16

Sources:

1 La (sur)mortalité durant l’été, https://www.sciensano.be/fr/coin-presse/la-surmortalite-durant-lete-2022, 2022.
2 5 100 sont liés aux émissions de particules fines, 1 400 aux émissions de dioxyde d’azote et 310 aux émissions d’ozone.
Source : « La pollution de l’air engendre-t-elle 7 000 décès prématurés en Belgique chaque année ? », site de la RTBF, Grégoire Ryckmans, 15 avril 2024.
3 Vrai/faux sur les allergies ! – Association Santé Respiratoire France.
4 Le droit à un environnement sain a été reconnu comme un droit humain par l’Assemblée générale des Nations Unies en juillet 2022.
5 Cf « Après la pluie » le documentaire retraçant le combat des personnes sinistrées pour réhabiliter leur logement.
6 Inondations 2021 : qui sont les victimes ? Pour la première fois, une étude montre la surreprésentation de femmes et de personnes âgées, site Internet de la RTBF, François Heureux et Anne Poncelet, 13/07/2023.
7 Ibidem.
8 Tout le monde a droit à un niveau de vie suffisant et à des soins médicaux s’il est malade.
9 Il garantit le droit à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine.
10 Une liste de points noirs a été dressée pour l’ensemble de la Région wallonne et figure au sein d’une base de données mise à jour continuellement. Ils correspondent aux lieux où des dommages ont été observés suite à des inondations occasionnées par du ruissellement agricole. Les habitations et les infrastructures affectées par ces problèmes de ruissellement sont essentiellement concentrées dans un rayon de 200 mètres autour de ces points noirs.
11 https://cartographie.brabantwallon.be/carto/CDT/SM/index.html
12 Ibidem.
13 Ibidem.
14 « Que cultive-t-on en Brabant wallon ? », site de Vers l’Avenir, Quentin Colette, 17/7/2020.
15 C’est effectivement déjà le cas pour les clients d’in BW depuis le 1er février 2025 : « In BW : le prix de l’eau va augmenter en Brabant wallon », www.tvcom.be.
16 « Aqueduct Water risk atlas », www.wri.org/applications/aqueduct/water-risk-atlas.

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