Logement en Brabant wallon : un privilège sous tension

Annabelle Duaut

Le Brabant wallon jouit de la réputation d’être la province la plus riche de Wallonie, affichant le plus haut PIB par habitant1 et la population la plus diplômée2. Pourtant, derrière cette façade prospère se cachent d’importantes inégalités d’accès au logement. Le Groupe d’Observation pour l’Accès au Logement (GOAL BW3), initié par le CRIBW4, le Relais Social du BW, le RBDL5 ainsi qu’Habitat et Participation, lève le voile sur les disparités et les vulnérabilités croissantes face au coût élevé de l’habitat à travers une étude intitulée « Habiter en Brabant wallon, un privilège ? ». Aperçu, dans les grandes lignes, des résultats de cette analyse6 sortie en octobre dernier.

Un territoire dense, des prix inabordables

Le territoire du Brabant wallon est densément bâti et peuplé : on y compte 377 habitants/km² et près de 414.130 résidents en 2024.

Parmi eux, 89 % sont Belges, 7,5 % sont d’origine européenne et 3,5 % sont des ressortissants non européens. Malgré des revenus médians élevés, le marché du logement privé en BW se caractérise par des prix prohibitifs.

Inutile de tergiverser : le Brabant wallon est une province où le coût du logement est très élevé. Le prix médian d’une maison y était de 375.000€ en 2024, soit 175.000€ de plus que le prix médian de la Région wallonne (cf. tableau cidessous). L’achat d’un appartement est moins onéreux, avec un prix médian de 245.000€ la même année. C’est tout de même 70.000€ de plus que le prix médian wallon. Les prix de l’immobilier ont encore augmenté ces dernières années, et ce à un taux supérieur à l’inflation. Concernant les appartements, l’augmentation grimpe de 40% en Brabant wallon sur une période de dix ans. Pour 2025, les experts et expertes prévoient une poursuite d’une tendance à la hausse des prix de l’immobilier due à la baisse des droits d’enregistrement7.

Devenir propriétaire en BW relève d’un véritable parcours du combattant. Les dix communes les plus chères de Wallonie pour l’achat d’une maison sont toutes situées en Brabant wallon. En ce qui concerne les appartements, huit des dix communes les plus chères sont situées dans la jeune province. Si l’on se penche sur les zones de pression immobilière — où le prix moyen des maisons ordinaires dépasse de plus de 35% le prix moyen des maisons ordinaires calculé sur le territoire régional —, 23 des 37 communes concernées sont en Brabant wallon. En d’autres termes, seules quatre communes du Brabant wallon ne sont pas situées en zone de haute pression immobilière : Hélécine, Orp-Jauche, Tubize et Rebecq.

Zoom démographique et précarités

La province du BW est densément peuplée puisqu’elle concentre sur un territoire réduit près de 414.130 habitants (chiffres de 2024), soit 377 habitants au km², ce qui en fait la province la plus dense du sud du pays. Là où le Brabant wallon se distingue encore, c’est en matière de groupes d’âges. La population de la province est vieillissante (ce qui suit la tendance générale au sein de l’Union Européenne), mais elle vieillit à un rythme plus élevé que le reste de la région. En 2024, l’âge moyen en BW était de 42,4 ans. C’est à peine plus que la Wallonie (42,1 ans) mais les projections démographiques estiment que cet écart va encore s’accroitre. Or une population plus âgée induit une demande adaptée en termes de logements : unités plus petites pour des ménages de taille réduite, facilité d’accès accrue aux services de base… En termes de compositions de ménages, on observe d’ailleurs que les ménages de personnes isolées constituent aujourd’hui le profil dominant en Brabant wallon (32,5% des ménages). C’est aussi la composition de ménage qui présente la plus importante progression en termes de proportion de la population ces dix dernières années (+3%, voir graphique ci-dessous).

Malgré la richesse apparente présente en Brabant wallon, la part de ménages vulnérables ne cesse d’augmenter. En effet, près d’un tiers des ménages (32,5%) représentent des personnes seules et 11,4% sont des familles monoparentales8 : deux catégories particulièrement exposées à la précarité et au risque de pauvreté. En effet, une personne seule peut consacrer jusqu’à 47% de son budget pour louer un logement privé, contre 40% pour une famille monoparentale qui louerait un logement privé9.

Activité et précarité

Au sein de la population en âge de travailler (15-64 ans), 66,59% de la population du BW est considérée comme active et à l’emploi en 2024. Un taux favorable, légèrement supérieure à la moyenne belge (66,31%) et wallonne (61,87%). Le tableau n’est cependant pas totalement reluisant puisque le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration sociale (RIS) est en augmentation au sein de la jeune province. Trois communes présentent par ailleurs un taux plus élevé que la moyenne nationale en termes de RIS : Nivelles (2,27%), Jodoigne (2,92%) et Ottignies-Louvain-la-Neuve (3,19%)10.

En ce qui concerne les indicateurs de la pauvreté, le taux de privation matérielle et sociale sévère11 indique que le BW présente un taux de 8% (2024), soit 1% de moins que la moyenne wallonne mais 2% de plus que la moyenne belge. Aussi, cette proportion est en augmentation ces dernières années (+0,7% entre 2019et 2024), alors que la Wallonie et la Belgique présentent respectivement des chiffres stables et décroissants12.

Public versus privé : la pénurie d’alternatives

Sur le front du logement social, le diagnostic est sans appel : l’offre est limitée alors que la demande ne cesse de grandir. À l’heure actuelle, seuls 4,58% du parc de logements du Brabant wallon sont d’utilité publique (8.231 unités en 2023), alors que la moyenne wallonne dépasse les 5,9%.

En outre, en BW, les logements publics sont répartis de manière inéquitable sur le territoire de la province. Enfin, 3,3% des ménages en BW sont sur liste d’attente pour obtenir un logement public, soit la proportion la plus élevée de Wallonie13.

Conclusion : enjeu territorial et responsabilité collective

Le rapport du GOALBW met en lumière un paradoxe criant : la qualité du bâti et le niveau de vie majoritaire masquent une montée silencieuse des privations et de la difficulté à se loger décemment en Brabant wallon pour les groupes vulnérables. Sur fond — entre autres — de vieillissement démographique et de raréfaction du foncier constructible, le Brabant wallon risque une « crise silencieuse du logement » si rien ne change. Le GOALBW invite de ce fait à repenser l’urbanisation, à densifier l’habitat près des services de base et à renforcer massivement l’offre publique et les dispositifs innovants d’accès à la propriété et à la location (habitat léger, encadrement des loyers, prêts sociaux…).

Sources :

  1. Produit intérieur brut par habitant (IWEPS). Disponible sur : www.iweps.be/indicateur-sta.s.que/taux-de-croissance-pib-volume/
  2. « Les femmes et les jeunes générations plus souvent hautement qualifiées », Statbel, mai 2024. Consultable sur : https://statbel.fgov.be/fr/themes/census/education/niveau-dinstruction
  3. Site web du Groupe d’observation pour l’accès au logement : https://rbdl.be/groupe-observation-acces-logement/
  4. Centre Régional d’Intégration du BW.
  5. Réseau Brabançon pour le Droit au Logement. Ce dernier est accueilli par le Centre Culturel du BW.
  6. L’entièreté de cette étude rédigée par Jérôme Vanstalle est à retrouver sur : https://rbdl.be/wp-content/uploads/2025/10/
    GOAL-BW_fil-rouge_20251003.pdf
  7. Wergifosse, Nadine, « Trois conséquences sur le marché de l’immobilier depuis la baisse des droits d’enregistrement en Wallonie », RTBF Actus. Publié le 12 mai 2025.
  8. À la tête desquelles on retrouve 85% de femmes.
  9. Part du budget dédiée au logement selon la composition du ménage et le statut du logement en Wallonie (2022). Source : CEHD 2023.
  10. Données pour l’année 2024 issues du portail d’informations statistiques locales sur la Wallonie : walstat.iweps.be/walstatcatalogue. php?indicateur_id=832100
  11. Le SMSD désigne les personnes en incapacité de se fournir en biens et services nécessaires.
  12. Statbel – Risque de Pauvreté ou d’exclusion sociale. Bruxelles : Direction générale statistique 2025 : statbel.fgov.be/fr/themes/ menages/pauvrete-et-condi.ons-de-vie/risque-de-pauvrete-ou-dexclusionsociale#figures
  13. IWEPS – Candidatures à un logement social : Part de manages vivant dans un logement public SLSP; Logement public SLSP. Namur : IWEPS 2024 : hcps://walstat.iweps.be/walstatcatalogue. php?niveau_agre=C&theme_id=6&indicateur_id=244202&sel_niveau_catalogue=T&ordre=0
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